
Qu'est ce que l'art-thérapie ?

L’art-thérapie est une discipline qui est source de connaissance de soi, de symbolisation et donc de transformation et de mouvement. C’est un outil précieux pour aller à la rencontre de soi.
L’art-thérapeute accompagne ses patients à se connecter ou se reconnecter à leur créativité. Les processus créateurs, présents en chaque être humain, sont des processus essentiels au bien-être mais ils peuvent être entravés par diverses causes : angoisse, stress, traumatisme, maladie, perte de confiance en soi, dépression… Ces mêmes causes peuvent également provoquer un isolement social car la personne en « défaut » de créativité est entravé à l’intérieur d'elle-même et donc dans sa relation aux autres.
Relancer la créativité, ou la préserver, c’est avant tout garder l’esprit du jeu et être totalement présent dans « l’ici et le maintenant ».
L'art-thérapie : Pour qui ? Pour quoi ?
L'art-thérapie s'adresse à des personnes de tout âge : des enfants aux personnes âgées.
Aucunes connaissances ni pratique des arts-plastiques n'est nécessaire. Il suffit d'avoir envie de venir pratiquer les arts-plastiques dans une visée thérapeutique et de découverte de soi. Un engagement dans la régularité des séances est donc demandé.
L'art-thérapie permet plusieurs choses :
- Relancer la créativité quand celle-ci est en défaut (dépression, anxiété, maladie, stress...)
- Développer l'imaginaire et la créativité
- Travailler, à travers son inconscient, à la découverte de soi
- Développer ses potentialités d'adaptation et donc la confiance en soi.
- Diminuer le stress, l'anxiété, la dépression...
- Favoriser la communication et l'expression de ses émotions (idéal pour les enfants, les personnes âgées ou handicapées...)
- Stimuler les capacités sensorielles et cognitives
- Changer la vision de l'entourage sur les capacités de la personne (enfant, handicapée, ou âgée).
- Et tant d'autres choses...

La différence entre l’art-thérapie et les arts-plastiques :
La différence pour l’animation de ces ateliers se situe dans la posture de l’animateur.
Alors que l’animateur en arts-plastiques se concentrera sur le maitrise de certaines techniques, l’art-thérapeute sera vigilant à ce que la personne vient déposer au sein du cadre proposé tout en apportant, selon ses compétences personnelles, certaines techniques plastiques.
L’art-thérapeute se doit en effet d’être formé à la psychologie clinique (rapport entre la créativité et le psychisme) aux psychopathologies et aussi aux dynamiques de groupes.
Petit historique de l'art-thérapie ...
La préhistoire
Depuis toujours l’homme a ressenti le besoin de créer, de laisser sa trace quelque part. Les hommes préhistoriques, bien avant que l’écriture existe, s’exprimaient par le biais de dessins et de peintures.
Les philosophes
L’art a très vite été reconnu comme une méthode de soin.
Pythagore, dès le VIème siècle avant J-C, relate que la pratique ou l’écoute de la musique pourrait transformer certains traits de caractère.
Les philosophes tels que Socrate, Platon et Aristote proposent des réflexions essentielles autour de l’art et de l’humanité.
Le siècle des lumières
Puis l’art au service du soin va commencer à se démocratiser lors de la seconde moitié du XVIIIème siècle. C’est à cette époque que l’art, en particulier picturale et littéraire, commence à se libérer de la conception classique c’est-à-dire de la reproduction de la réalité et de l’exigence du faire « beau ». L’artiste peut se permettre d’exprimer sa propre vision du monde, ses sentiments, ses émotions. C’est la naissance de l’art romantique. Certaines formes d’art commencent alors à s’inviter dans les "asiles", ancêtres des hôpitaux psychiatriques.
En France, en 1794, Philippe Pinel qui est médecin-chef dans un asile, libère les malades mentaux qui étaient alors emprisonnés avec les criminels de droit commun. Cet homme pose les bases des psychothérapies et quand il intègre la Salpêtrière à Paris il préconise des ateliers occupationnels divers pour les patients.
Parallèlement, dans le monde de l’art, la représentation de l’artiste se transforme et un mythe commence à voir le jour : la folie serait source de création. En effet à cette époque, nombreux sont les artistes qui se retrouvent pour un temps plus ou moins long en hôpital psychiatrique (Géricault, Schuman, Strindberg, Munch, Gérard de Nerval…)
À l’aube de la psychanalyse
Jean-Martin Charcot, considéré par beaucoup comme le médecin ayant inspiré S. Freud, commence à s’intéresser aux peintres et analyse plusieurs tableaux. Les créations des malades commencent alors à être considérées comme des supports pour tenter de comprendre leurs symptômes.
Peu de temps après, l’art des fous apparaît : on prend en compte également l’aspect esthétiques des œuvres des "aliénés" et elles prennent le statut d’œuvres artistiques.
En 1907, Paul Meunier publie « L’art chez les fous : le dessin, la prose, la poésie » sous le pseudonyme de Marcel Réja.
En 1911, en Suisse, Paul Klee, par l’intermédiaire du psychiatre Walter Morgenthaler, découvre les œuvres de Wölfli qui est interné à la clinique psychiatrique de Waldau (Suisse). Ce patient va dessiner, écrire et composer de la musique pendant 35 ans. Il est l’auteur de 1300 dessins, 44 cahiers d’écriture et une biographie imaginaire de 25000 pages écrite avec une orthographe transformée. Wölfli est considéré par Jean Dubuffet comme un artiste majeur, son œuvre est en partie représentée dans la collection de l’art brut.
La collection Prinzhorn
Le psychiatre Hans Prinzhorn s’intéresse beaucoup à l’art. Il commence à étudier les dessins et les peintures de ses patients et se met à les collectionner.
Cet homme est passionné par « la psychopathologie de l’acte créateur » et son ouvrage publié en 1922 « Expressions de la folie » est considéré comme une œuvre majeur pour l’art-thérapie. Prinzhorn décrit en effet les besoins ou les pulsions à la base du processus créateur et en particulier le besoin d’expression vital, le besoin de jouer et le besoin d’exprimer des symboles.
Cet ouvrage sera aussi très largement reconnu comme un livre fondateur et révolutionnaire par le milieu artistique de cette époque en particulier par les surréalistes (Max Ernst, André Breton…).
La collection Prinzhorn est la plus célèbre mais nous pouvons citer également la collection Morgenthaler et la collection Rorschach (l’inventeur du fameux test d’évaluation psychologique) en Suisse.
A partir de ce moment-là, l’art des fous est reconnu comme un mouvement artistique à part entière. Cet art « psychopathologique » ouvre peu à peu une brèche dans l’art brut, dans l’art singulier et l’Outsider art.
Les années 1960-1970
Dans ces années-là, le mouvement antipsychiatrique et le développement des thérapies institutionnelles vont favoriser le développement des ateliers d’expression dans les institutions de soin psychique.
La clinique psychiatrique de Gugging près de Vienne va devenir une référence en matière de « lieu de vie artistique » au sein d’un hôpital psychiatrique. Ce lieu se transforme progressivement en « maison des artistes » et de nombreux patients-artistes deviendront des artistes phares du mouvement de l’art brut (Johann Garber, Johann Hauser, Heinrich Reisenbauer, August Walla…)
L’histoire de Mary Barnes en Angleterre est une référence également dans le champ de l’art-thérapie (CF voir le livre : « Mary Barnes, un voyage à travers la folie » écrit par Mary Barnes et son thérapeute Joseph Berke)
Les surréalistes vont s’inspirer de l’art des fous et un peu plus tard l’art brut prend son exemple également.
Après la seconde guerre mondiale, l’art dit populaire va inspirer des concepts d’arts singuliers ou d’arts hors normes en France et d’Outsider art dans les pays anglo-saxons.
Ces mouvements artistiques entrent en résonnance avec les processus de création que l’on retrouvent dans les ateliers d’art-thérapie.
Les différents mouvements artistiques en lien avec l’art-thérapie :
Le romantisme, mouvement précurseur de l’art-thérapie ?
Ce mouvement voit le jour à la fin du 18ème siècle, en réaction contre le classicisme et l’industrialisation naissante. Ce courant prône l’imagination, les sentiments et les émotions. C’est le temps de la rêverie, de l’évasion et de l’intuition. Le terme « création » voit le jour et s’oppose à la mimésis qui est la reproduction la plus fidèle possible du réel.
En peinture, les principaux thèmes de ce courant sont la mort, l’amour, l’âme tourmenté, la mélancolie, le fantastique et enfin la prédominance de la nature. En France, c’est Eugène Delacroix qui représente ce mouvement tandis qu’en Angleterre William Blake fait office de figure majeure de ce courant.
Puis vient le temps du symbolisme et de l’expressionnisme.
Le tableau le plus connu du mouvement expressionniste est sans doute « Le cri » d’Edvard Munch. Ce courant a été créé en réaction à l’impressionnisme (qui se définit comme une peinture du vivant et du concret). L’expressionnisme à l’opposé met en exergue l’importance des états d’âmes des créateurs qui représentent leurs émotions, leurs craintes voire leurs angoisses. Ce mouvement préconise de laisser libre cours à l’imagination, d’être dans l’immédiateté de l’expression, de laisser la subjectivité du peintre s’exprimer de manière spontané. Toutes ces notions sont des concepts essentiels en art-thérapie.
Les artistes phares de ce mouvement sont : Otto Dix, Emile Nolde et Egon Schiele. Le thème d’un corps qui se tord et se déforme revient de manière régulière chez ces artistes. Il y a aussi Kandinsky et Paul Klee en France.
Dada et surréalistes.
Le mouvement Dada est né pendant la première guerre mondiale. Son objectif est d’insuffler la vie et de réagir face aux horreurs de la guerre. Les peintres les plus célèbres de ce mouvement sont Marcel Duchamp, Francis Picabia, Man ray et Max Ernst. Mais on retrouve aussi de nombreux poètes et écrivains tels que Louis Aragon et André Breton qui formerons plus tard le mouvement du surréalisme qui s’inspira directement de l’art des fous.
Le mouvement du surréalisme voit le jour avec l’apparition de la psychanalyse. Les recherches de Freud sur l’inconscient et les rêves vont fortement influencer les artistes et les intellectuels. La psychanalyse renforce le désir d’explorer une terre inconnue en nous : notre inconscient et notre Moi profond.
Les artistes surréalistes tentent de faire émerger ce Moi et l’inconscient par le biais de l’expression littéraire et plastique. L’écriture automatique, qui serait une écriture dirigé par l’inconscient, voit le jour. Les collages de Max Ernst, Dali, Magritte ainsi que la création des cadavres exquis qui met en exergue le jeu, le lâcher-prise et la rêverie, vont plus tard fortement inspirer la pratique de l’art-thérapie et sa théorisation.
L’art Brut
L’art brut nait au début des années 1900 sous l’impulsion de Jean Dubuffet qui rassemble des dessins d’enfant, de fous (Wölfli), d’artistes autodidactes et marginaux… L’art brut s’oppose à l’apprentissage académique des arts pour privilégier un art spontané, inventif, créatif et surtout affranchi de toutes influences. Selon Dubuffet, l’art brut est un art qui prendrait sa source dans le Moi profond, qui exprimerait les fantasmes et les émotions de l’artiste et qui nait de la nécessité de créer pour des questions de survit psychique. Cet art ne s’explique pas. Souvent les œuvres sont créées avec des matériaux de récupération et les artistes ont un rapport particulier, sensoriel, avec la matière.
Cet art spontané, brut, aurait une filiation directe avec les œuvres des malades mentaux dans le sens où les œuvres sont réalisées en laissant parler l’inconscient dans l’instant présent.
Les pionniers de l’art-thérapie :
Bien que la question du soin par l’art soit apparue très tôt dans l’humanité, ce n’est qu’au milieu du 20ème siècle que l‘art-thérapie a vu le jour.
L'art-thérapie est né de différentes expérimentations basées sur différents types de médiations mais aussi à partir des fondements de la psychanalyse.
Puis la conceptualisation de l’art-thérapie, et du rôle de l’art-thérapeute, s’est affinée à travers des partenariats entre médecins, psychiatres et artistes.
Quelques chercheurs et personnalités de renoms dans l’art-thérapie :
-
Jacob Levy Moreno : ce psychiatre créa le « théâtre impromptu » ou « théâtre de la spontanéité » en 1921. Ces patients improvisaient des scènes sur différents thèmes. Il développera ensuite le psychodrame.
-
Margaret Naumburg : Cette éducatrice a été influencée par les nouvelles méthodes d’éducation progressive développé par Maria Montessori. Passionnée par les arts, elle tentera de développer une éducation basée sur les besoins affectifs et l’expression créatrice spontanée de l’enfant. Puis elle s’intéressera particulièrement à l’art-thérapie auprès des patients hospitalisés en hôpital psychiatrique. Elle fait la différence entre l’art-thérapie et toutes autres formes de thérapies ou psychothérapies.
-
Adrian Hill : Il est le premier à utiliser le terme d’art-thérapie. Cet artiste-peintre se retrouve alité pendant de nombreux mois suite à une tuberculose (1939). Il se met alors à dessiner tout ce qui l’entoure et constate que plus il crée et plus son état de santé s’améliore. En 1945, il publie « L’art contre la maladie ».
-
Edith Kramer : Elle crée un atelier d’art-thérapie au sein d’une école spécialisée pour des enfants délinquants, inadaptés. Elle s’inspire de la psychanalyse freudienne et en particulier du concept de sublimation. Elle définit le concept de la « 3ème mains de l’art-thérapeute » qui est la capacité de celui-ci à accompagner le patient dans les moments critiques du processus de création.
Quelques concepts fondamentaux en art-thérapie :
Les apports de la psychanalyse freudienne :
Freud c’est très vite intéressé aux processus créateurs. Il avait un grand attrait pour les arts qui ont joués un rôle prédominant dans la conception de ses théories.
En art-thérapie nous utilisons ainsi l’association libre (entre formes, couleurs ou mots), et les notions d’analyse transféro-contre-transférentielle (entre le patient et l’objet créé plus qu’entre le patient et le thérapeute).
La grande différence est le fait que la psychanalyse utilise presque exclusivement la parole, les mots, alors que l’art-thérapie fait peu appel à l’expression verbale ou de manière détournée, à travers le processus de création. En art-thérapie, le patient parle de lui sans parler de lui.
Les apports de Jung :
Jung se rapproche des concepts des surréalistes ou de l’art brut car, selon lui, il faut laisser advenir l’œuvre afin que les perceptions et émotions puissent émerger. Jung va lui-même peindre et modeler en laissant aller son imagination. Puis il propose cette méthode à ces patients. Il part du principe que si une énigme ne peut pas être déchiffré par l’intellect, les mains le peuvent. Selon lui, le mouvement est une forme d’expression inconsciente et il développe alors la notion d’unité corps/psyché et d’imagination active. Selon lui, l’imagination active consistant à laisser advenir les images dans son esprit, permettrait aux patients de se connaître eux-mêmes et donc de favoriser l’individuation.
Il développera également les notions d’archétypes (images imprimées dans l’inconscient) et d’inconscient collectif. Jung se rend compte que certains symboles reviennent systématiquement chez ses patients et que ces mêmes symboles se retrouvent dans toutes civilisations (ex : les mandalas).
Les apports de Winnicott :
Selon D-W Winnicott toute personne vivante et un être créatif. Pour lui, la créativité c’est faire et si l’on fait on crée. Il développera ses théories autour de la créativité en se basant sur la relation mère-enfant.
Son concept autour de la transitionnalité est particulièrement utilisé en art-thérapie : l’atelier, l’espace où l’on crée est considéré comme un espace de jeu, une aire transitionnelle, tandis que l’objet créé peut être considéré comme un objet transitionnel.
Selon Winnicott, la créativité a des liens étroits avec la capacité à créer des liens avec et entre le monde extérieur et son monde interne. La créativité est également dépendante du principe de plaisir et du jeu. Selon lui, la capacité à jouer serait en lien étroit avec la capacité à créer.
La notion de groupe thérapeutique :
Les théories autour du groupe ont été pensées plus particulièrement par Didier Anzieu et René Kaès. En art-thérapie, le groupe est important car les effets du groupe favorisent bien souvent le processus créatif. De plus, les effets du groupe améliorent également la reconstitution de liens intra et intersubjectifs favorisant ainsi le processus d’individuation.
Le groupe opère des fonctions de transformation, de liaison, de régulation, de représentation, de transmission. Le groupe est contenant à l’image d’une « matrice psychique » délimitant un intérieur et un extérieur, frontière qui contient et protège. Le groupe a donc une fonction d’étayage. De plus, il rythme le processus de création car chaque participant trouve petit-à-petit sa place, et les créations sont soumises aux regards des autres, leurs donnant un statut autre. Le groupe est porteur et donne envie de créer, il stimule les participants grâce au sentiment d’appartenance dans le groupe. Ainsi, le groupe favorise l’expression (échange de techniques, inspiration croisées…) tout cela est signe de la dynamique groupale.
Les auteurs plus récents :
La créativité s’est donc beaucoup développée au cours du 20 et 21ème siècle. Les dessins ont été introduits dans les psychothérapies d’enfants par Anna Freud et Mélanie Klein. D’autres chercheurs ont également particulièrement travaillé sur la question de l'utilisation des médiations au sein d'une thérapie (Françoise Dolto, Marion Milner, Gisela Pankow, René Roussillon…).